Méditation de Sainte Thérèse de Lisieux sur les Vocations « Longtemps je me suis demandé pourquoi le bon Dieu avait des préférences » :
« Voilà bien le mystère de ma vocation, de ma vie tout entière et surtout le mystère des Privilèges de Jésus sur mon âme. Il n’appelle pas ceux qui en sont dignes, mais ceux qu’Il Lui plaît ou comme le dit saint Paul : « Dieu a pitié de qui Il veut et Il fait Miséricorde à qui Il veut faire Miséricorde. Ce n’est donc pas l’ouvrage de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait Miséricorde » (Rm 9,15-16) ».
« Longtemps je me suis demandé pourquoi le bon Dieu avait des préférences, pourquoi toutes les âmes ne recevaient pas un égal degré de Grâces. Jésus a daigné m’instruire de ce Mystère.
Il a mis devant mes yeux le livre de la nature et j’ai compris que toutes les fleurs qu’Il a créées sont belles, que l’éclat de la rose et la blancheur du lys n’enlèvent pas le parfum de la petite violette ou la simplicité ravissante de la pâquerette. J’ai compris que si toutes les petites fleurs voulaient être des roses, la nature perdrait sa parure printanière, les champs ne seraient plus émaillés de fleurettes.
Ainsi en est-il dans le monde des âmes qui est le Jardin de Jésus. Il a voulu créer les grands Saints qui peuvent être comparés au lys et aux roses mais il en a créé aussi de plus petits et ceux-ci doivent se contenter d’être des pâquerettes ou des violettes destinées à réjouir les Regards du Bon Dieu lorsqu’il les abaisse à Ses pieds ; la perfection consiste à faire Sa volonté, à être ce qu’Il veut que nous soyons. J’ai compris encore que l’Amour de Notre Seigneur se révèle aussi bien dans l’âme la plus simple qui ne résiste en rien à sa Grâce que dans l’âme la plus sublime ; en effet le propre de l’Amour étant de s’abaisser, si toutes les âmes ressemblaient à celles des Saints docteurs qui ont illuminé l’Église par la clarté de leur doctrine, il semble que le Bon Dieu ne descendrait pas assez bas en venant jusqu’à leur cœur, mais il a créé l’enfant qui ne sait rien et ne fait entendre que de faibles cris, il a créé le pauvre sauvage n’ayant pour se conduire que la loi naturelle et c’est jusqu’à leur cœur qu’il daigne s’abaisser, ce sont là ses fleurs des champs dont la simplicité Le ravit. En descendant ainsi le Bon Dieu montre sa Grandeur infinie. De même que le soleil éclaire en même temps les cèdres et chaque petite fleur comme si elle était seule sur la terre, de même Notre Seigneur s’occupe aussi particulièrement de chaque âme que si elle n’avait pas de semblables. Ainsi soit-il. »
Sainte Thérèse de Lisieux (1873-1897)